Reims ? Si vous demandez à un Français de qualifier la ville, il évoquera immédiatement le champagne et la cathédrale où étaient couronnés les rois de France ! Bien sûr, ces deux entités valent à elles seules le voyage mais c’est vers un autre centre d’intérêt que se tournera aujourd’hui notre attention : Reims, détruite à 80% au cours de la 1ère Guerre Mondiale a été entièrement rebâtie dans les années 20 dans le style Art déco offrant, à travers ses larges avenues, un musée architectural à ciel ouvert. Ce patrimoine unique de l’entre-deux-guerres est célébré par la municipalité au cours de l’année 2006. Une occasion de visiter Reims la tête en l’air afin d’y découvrir les fleurons stylistiques majeurs de cette reconstruction.
De septembre 1914 à octobre 1918, Reims est pilonnée par l’armée allemande… La cathédrale n’est pas épargnée et à plusieurs reprises elle essuie des tirs d’obus dont 287 pour la seule journée du 18 septembre 1914. Les verrières s’effondrent et les statuts qui peuvent être sauvées sont retirées de l’édifice ainsi que les objets précieux… A l’issue de quatre années d’enfer pour la population rémoise la ville est quasiment rasée et le temps de la reconstruction est venu ! Les rues, jusqu’alors médiévales, sont élargies, les façades alignées et tandis que les capitaux affluent du monde entier, pas moins de 400 architectes se penchent sur le projet. Sur les 6.500 permis de construire instruits par les services municipaux entre janvier 1920 et décembre 1930, les trois quarts portent la signature d’un artiste. Plus de 30.000 ouvriers sont mis à contribution et les matériaux utilisés sont la pierre, la brique et le tout nouveau béton.
De nombreux mécènes contribuent à l’entreprise comme Andrew Carnegie pour la bibliothèque ou encore Rockefeller. Une totale liberté est laissée aux bâtisseurs qui en profitent pour exprimer leur talent. Ainsi voit-on se développer des immeubles d’inspiration hausmanienne, d’autres aux réminiscences d’Art Nouveau, d’autres rococo… mais ce qui domine est l’Art déco dont la période de créativité est nettement limitée dans les années 20. « Les principales caractéristiques de l’Art déco, dit Olivier Rigaud, Architecte du Patrimoine de la ville de Reims, sont des formes géométriques affirmées pour les façades : octogones allongés, verticaux ou horizontaux pour de petites ouvertures ou sur les ferronneries, pans découpés à 45° dans les baies, les baies en plein cintre, serliennes…
Le chapiteau et les volutes ioniques utilisés en abondance dans l’architecture classique et à la fin du 19ème dans l’encadrement des fenêtres de combles reviennent sous forme stylisée dans les décors de façades et les ferronneries. La pergola, réapparue au début du siècle pour les roseraies, va se développer aussi bien dans les jardins ou les cours que sur les terrasses dans les étages ou sur les toits… La rose apparue dans la décoration architecturale avant guerre se développe ainsi que d’autres motifs végétaux : corbeilles de fleurs, de fruits, déclinées en mosaïques, en bas-reliefs ou en ferronneries… »
Au fil de la promenade guidée, on ne se lasse pas d’admirer les façades incluant des mosaïques, des balcons tout ornés de fer forgé, des jardinières intégrées à la pierre…L’Hôtel Holiday Inn (Rue Buirette) arbore un blason au lion : les vénitiens sont-ils venus ici ? Du tout, répond la guide, amusée, ce lion est l’emblême de « Peugeot » et l’immeuble était jadis un garage ! Les détails foisonnent à travers cette architecture (comme les bouquets d’hortensias au-dessus de la Brasserie Heineken ou les libellules géantes dans le style Majorelle) qui veut afficher l’abondance et la sérénité de cette nouvelle et belle époque de paix retrouvée qui s’ouvre aux rémois…
De la fontaine Subé, offerte en 1909 par un riche habitant, aux maisons du Cours Langlet, à la pâtisserie Waïda, aux grands magasins (Rue des Capucins), aux hôpitaux… jusqu’au théâtre (1922) et à la belle Bibliothèque Carnegie, tout rappelle cette décennie créatrice. Exemple remarquable, la Bibliothèque Carnegie a reçu une Médaille d’or à l’Expo Art déco de Paris en 1925 pour la qualité de son portail. Andrew Carnegie (mécène aussi du Carnegie Hall) a créé une Fondation oeuvrant pour la paix dans le monde. Ce financement américain explique, en façade, la présence du blason de la ville de Reims et celle du drapeau américain. A noter, entre autres, la verrière de la salle de lecture et le lustre du hall d’entrée (Notre photo). (Internet :
http://reimsartdeco.fr ).
Une institution : le Café du Palais !
Pour rester dans l’ambiance Art déco, il faut absolument aller déjeuner ou dîner au Café du Palais (14, Place Myron-Herrick), où se retrouve toute l’élite intellectuelle et branchée de la capitale champenoise dans un décor années 20. Ici aussi, il suffit de lever les yeux pour admirer la merveilleuse verrière aux aigles créée par Jacques Simon. Jean-Louis Vogt, figure emblématique de la ville vous expliquera, avec son immense charisme, que ces aigles là ont inspiré Barbara !
En effet, toutes les célébrités de passage à Reims ont fréquenté les lieux. Jean-Louis est, lui-même, un passionné de jazz et le piano qui règne en maître au milieu de la salle doit avoir quelques souvenirs impérissables des doigts magiques qui l’ont effleuré ! « Mes grands-parents ont créé ce Café dans les années 30, dit-il, et aujourd’hui mon fils Jean-François (également en salle) est prêt à prendre la relève ».
La cathédrale,
fleuron de l’Art Gothique
On finira notre balade par une visite de la cathédrale « Notre Dame » classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco. Le sacre de Clovis en 498 marque le début de la christianisation du Royaume de France : l’église et l’état s’unissaient alors pour gouverner et le roi recevait son autorité directement de Dieu… Il en a été ainsi jusqu’à Charles X qui y fut l’ultime monarque couronné en 1825. Immense avec ses 149,17 mètres de long et ses 6.650 m2, elle peut recevoir plus de 6.000 personnes.
Tout y est démesuré : des 33 salles aux rosaces de la façade et aux immenses vitraux colorés dont les magnifiques vitraux bleus dessinés par Chagall et exécutés en 1974 par l’Atelier Simon (Ci-dessous). De même que le « vitrail du champagne » créé en 1954 par Jacques Simon est un exemple du mécénat de la profession sensible à la dégradation de l’édifice. Il illustre les différentes phases de l’élaboration du vin et les villages « donateurs » sont évoqués en encadrement : Ludes, Mailly, Damery, Ay, Bouzy…
Toute la statuaire est sujette à une interprétation : biblique, historique, scènes de genre… L’ange au sourire, à droite du portail d’entrée, est devenu l’emblème de la ville sous le nom de « Sourire de Reims ». L’orgue encore en fonction tous les dimanches est parmi les plus imposants de France. L’horloge astronomique, installée en 1708, fut mise en lieu sûr pendant la 1ère guerre mondiale et remise en état de marche en 1988. Enfin, dans cette cathédrale, le 8 juillet 1962, le Général De Gaulle et le Chancelier Adenauer ont scellé la réconciliation de la France et de l’Allemagne…
La Route Touristique du Champagne et le Phare de Verzenay
L’identité de la région est tout entière tournée vers le breuvage royal dont un bouchon saute à travers le monde toutes les deux secondes tandis que 3 milliards de flûtes y sont bues chaque année ! « La Route Touristique du Champagne », à la signalétique claire, s’étire sur près de 600 km avec environ 80 points d’accueil et 6 circuits différents allant à la découverte des terroirs et du patrimoine.
Les premières vignes ont été plantées en Champagne sous les Romains mais la légende dit qu’au Moyen-Age (vers 1660), la technique de vinification aurait été inventée par un moine bénédictin de l’Abbaye d’Hautvillers, le fameux Dom Pérignon… Les procédés actuels ont été formalisés au début du 20ème siècle et en 1908 le vignoble champenois fut le premier à recevoir une Appellation d’Origine (AOC). Seuls trois cépages entrent dans la composition du Champagne : le Pinot Noir et le Pinot Meunier (deux raisins rouges) et le Chardonnay (raisin blanc). 
En suivant le parcours touristique, il ne faut pas manquer le Musée de la Vigneinstallé à Verzenay (environ 1/4 d’heure de Reims par l’A4) dans un curieux phare marin ! A quoi pouvait donc bien servir un phare dans un océan de vignes ? A rien, bien sûr, sinon à faire parler de lui ! C’est l’idée « marketing » géniale qu’avait eue en 1909, un vigneron, Joseph Goulet, qui entendait se faire de la « réclame » comme on disait à l’époque… Au sommet du phare, une lanterne rotative émettait un rayon lumineux balayant la campagne et visible jusqu’à Reims… Le succès ne tarda pas à venir en cette période de « Belle Époque» et le tout Reims se pressait sur les quais de la gare pour venir faire la fête dans ce lieu ludique et inattendu où restaurant, jeux, buvette et naturellement champagne Joseph Goulet devenu « Champagne du Phare » entraînaient les convives branchés dans de joyeuses agapes ! L’euphorie se termine avec la déclaration de la Première Guerre Mondiale et le phare essuie les tirs d’obus allemands… Après la guerre, il est abandonné aux herbes folles… Racheté par la communauté des communes Vesle-Montagne de Reims en 1987, il est transformé en Musée de la Vigne qui ouvre ses portes en octobre 1999. Ludique, interactif et pédagogique, le musée répondra à toutes les questions qui s’imposent lorsqu’on veut un peu mieux comprendre l’identité de ce vin que le monde entier nous envie ! (Internet :http://www.lepharedeverzenay.com )
Pommery, un Domaine mythique
Un séjour en Champagne passe inévitablement par la visite d’une cave. Nous visiterons le Domaine Pommery, à Reims, dont le nom reste attaché à Louise Pommery qui inventa, en 1874, avec son chef de cave, le Champagne Brut dont une bouteille subsiste encore dans les caves !
Visionnaire, elle fait ériger un incroyable château néo-gothique au-dessus des 120 crayères creusées par les gallo-romains il y a 2000 ans ! Un monumental escalier de 116 marches conduit le visiteur, 30 mètres sous terre, à une véritable cathédrale de craie où la température constante affiche 10°. Ce sont les caves de Pommery où des galeries (18 km) ont été savamment construites pour tout relier. Chacune d’elles prenant le nom d’un nouveau pays en l’honneur du nouvel acheteur du champagne de la marque.
Il y a, aujourd’hui, 25 millions de bouteilles en stock et pour que la visite soit attractive, Louise avait eu l’idée de commander à Gustave Navlet (1884) quatre gigantesques bas-reliefs sculptés directement dans la craie. Pour pérenniser ce mécénat culturel, l’entreprise continue à accueillir l’œuvre de divers artistes autour d’expositions thématiques. Actuellement, « Super Nova » tient l’affiche jusqu’en octobre.
Dans l’immense hall d’accueil des visiteurs, le grand foudre d’Emile Gallé (de Nancy) réalisé en chêne de Hongrie est un des plus gros au monde. Il peut contenir 75.000 litres de champagne soit 100.000 bouteilles ! Il fut envoyé à l’Exposition Universelle de Saint-Louis (Missouri) de 1904 pour illustrer l’amitié franco-américaine. La sculpture représente la France sous les traits d’une jeune femme offrant un verre de Pommery à l’Amérique. Elle chevauche un sphinx à tête d’Indien, symbole de la vieille Amérique. Au niveau supérieur, on voit la statue de la Liberté et à droite le navire qui emporta le gros foudre Pommery vers le Nouveau Monde. (Internet :
http://www.pommery.com )
La Champagne-Ardenne est la première région fleurie de France. Avec 265 communes labellisées « Villes et Villages Fleuris », la région se place fièrement devant Rhône-Alpes, les Pays de la Loire, la Lorraine et l’Alsace ! Le prochain événement auquel se prépare la ville de Reims est l’arrivée officielle, le 10 juin 2007, du TGV qui mettra Paris à seulement 45 minutes de la capitale champenoise !
Office du Tourisme de Reims : http://www.reims-tourisme.com
Comité Régional du Tourisme : http://www.tourisme-champagne-ardenne.com
