LORRAINE : les belles surprises de Lunéville

En passant par la Lorraine, faites une halte à Lunéville en Meurthe-et-Moselle. Depuis peu, cette ville abrite un superbe Hôtel Abbatial. Une nouveauté à ne pas manquer, à coté de son château du 18ème.

A deux pas de l’Eglise Saint-Jacques et de la Mairie de Lunéville, cette petite ville de Meurthe-et-Moselle (19.161 habitants) située près de Nancy, vient de transformer son ancien presbytère en un bel espace muséal.  Comme son jardin de curé, cet édifice de 1.000 m2 est inscrit à l’inventaire des Monuments historiques. Depuis 2016, il ne proposait des expositions qu’au rez-de-chaussée. Sous l’impulsion de la mairie, il a fait l’objet d’une remise en état complète de l’étage, de la toiture, des volets et même du jardin…

Bâti au milieu du 18ème siècle, ce bâtiment présente en façade un escalier à double volée donnant accès à un vestibule dallé. A ce niveau part un escalier intérieur en pierre orné d’une rampe en fer forgé attribuée aux ateliers de Jean Lamour. Le 27 avril 2019, l’Hôtel Abbatial a réouvert ses portes dans son nouvel écrin : de la couleur, du mobilier et des pièces à l’éclat retrouvé, des tissus aux teintes variées, des murs repris en imitation pierre de taille, des plinthes en faux marbre… 

Jean-Louis Janin-Daviet, conservateur du musée (Photo Alexandre Marchi)

« Actuellement nous proposons aux visiteurs trois univers sur deux niveaux : les arts africains, les arts du feu, un appartement 18ème de l’aristocratie ou haute bourgeoisie de province. Temporaires, les deux premières expositions seront suivies dès Noël 2019, de deux expositions, l’une consacrée à Voltaire, l’autre de l’infiniment petit à l’infiniment grand.  Le philosophe a séjourné à trois reprises à Lunéville » précise Jean-Louis Janin-Daviet, chargé de la conservation de l’Hôtel Abbatial.

UN MUSEE PARTICIPATIF

L’écritoire est attribué au Maître ébéniste Schichlik et les documents sont du 18ème siècle (Photo Alexandre Marchi)

Correspondant de la maison de vente Christie’s pour la région du Grand Est, cet esthète compte dans ses relations de nombreux collectionneurs français et étrangers.  Une aubaine pour la petite ville qui a voulu avant tout créer un musée participatif.  Des amateurs d’art lui ont prêté des centaines de pièces dans le cadre d’une convention de mise à disposition d’une durée d’un an renouvelable. « Cette relation spécifique avec différents acteurs de l’art leur permet de devenir acteurs et mécènes dans ce lieu chargé d’histoire » poursuit Jean-Louis Janin-Daviet.

Le petit salon au fourneau (Photo Alexandre Marchi)

Si l’Hôtel Abbatial est constitué pour partie d’objets acquis par la ville, 90% des collections proviennent de dons, de mécénat, ou de mises à disposition. D’où l’avantage d’en faire un espace muséal vivant, à la fois permanent et éphémère dont les décors évoluent et proposent régulièrement une nouvelle approche. Aussi le mobilier, les oeuvres d’art et les collections ont été sélectionnés avec soin pour restituer l’exacte atmosphère d’une maison de famille des années 1750.

UN ESPRIT « PERIOD ROOM »

En effet, le plus impressionnant dans cet espace muséal reste la reconstitution à l’étage, d’un appartement du 18ème siècle de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie de province. Même des redingotes sont jetées avec soin sur des fauteuils. Grâce à cet esprit « period room », les visiteurs ont l’impression de remonter le temps.

Au fil des douze pièces du premier étage de l’Hôtel Abbatial,  ils peuvent admirer différentes ambiances : une salle à manger, un salon des Habsbourg de Lorraine, une chaleureuse chambre à l’alcôve avec cabinet de toilette, un salon des dames, un cabinet de porcelaine, un bureau. Sans oublier un étonnant cabinet de curiosités contenant des objets rapportés de voyages lointains.

La chambre à l’alcôve ou chambre bleue (Photo Alexandre Marchi)

Pour attiser l’intérêt, des placards secrets contiennent de la vaisselle locale du  18ème siècle. Une centaine de gravures du lorrain Jean Bérain, grand dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roi Louis XIV, décorent la grande galerie, desservant les pièces de l’étage.

Encrier créé par Emile Gallé aux armes de la Lorraine dans le salon des Habsbourg (Photo Alexandre Marchi)

Encore peu développé en France, cet esprit « period room » caractérise des musées prestigieux comme notamment The Wallace Collection à Londres et the Frick Collection à New-York.

LE PETIT VERSAILLES DE LORRAINE

« Air » : tableau attribué à Nicolas Lancret (Photo Alexandre Marchi)

La cité de Lunéville est également réputée pour son « petit Versailles de Lorraine ». Comprenez le plus grand château du 18ème siècle de l’Est de la France, dont la construction a débuté en 1702 pour s’achever en 1723.  De 1737 à 1766, il a accueilli Stanislas Leszczynski, le beau père polonais de Louis XV. C’est à ce roi d’origine polonaise que l’on doit la fameuse place Stanislas de Nancy. «  Rien ne prédestinait ce roi déchu du trône de Pologne à devenir le dernier duc de Lorraine. En exil,  Stanislas trouve à partir de 1737, au château de Lunéville la possibilité de finir sa vie paisiblement »  commente un historien.

En 1766 le duché de Lorraine est rattaché à la France. Jusqu’au début du 20ème siècle, il a abrité sans interruption des prestigieux régiments de cavalerie.

En cours de restauration, depuis le terrible incendie du 2 janvier 2003, le château géré par le Conseil Départemental de Meurthe-et-Moselle arbore le label Musée de France. Les bâtiments et son immense parc avec ses parterres géométriques sont classés Monument Historique.

LUNEVILLE LABELLISEE « VILLE D’ART ET D’HISTOIRE »

Le 19 avril 2019, Franck Riester, ministre de la Culture, a attribué le label Ville d’Art et d’Histoire à la commune de Lunéville. C’est une première pour le département de Meurthe-et-Moselle.

Le maire, Jacques Lamblin, pour la commune et Jean-Michel Knop, directeur régional adjoint des affaires culturelles avaient présenté le 17 avril 2019, le dossier de candidature au Conseil national des Villes et Pays d’Art et d’Histoire. « Les membres du jury ont apprécié la qualité architecturale du centre-ville, la qualité des paysages, la richesse du patrimoine immatériel comme la faïencerie, la cristallerie, la verrerie et la broderie et enfin le partenariat avec l’École nationale d’architecture de Nancy et la Maison de l’architecture » explique-t-on rue de Valois à Paris.

Avec cette distinction, Lunéville constitue le quinzième territoire labellisé dans le Grand Est, après notamment Metz, Bar-le-Duc et le pays d’Epinal. Une belle revanche pour cette ancienne cité des Ducs de Lorraine, fondée en l’An mille.

QUINZE LABELS DANS LE GRAND EST

Couvrant neuf départements, le réseau des Villes et pays d’Art et d’Histoire du Grand Est concerne douze villes et trois « pays » au sens de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles). Plus précisément, il s’agit des villes de Langres, Bar-le-Duc, Sedan, Châlons-en-Champagne, Reims, Troyes, Mulhouse, Strasbourg, Sélestat et les pays de Guebwiller, Val d’Argent et Épinal cœur des Vosges.


Reportage Martine Denoune