Madagascar, un pays métissé entre Afrique et Asie

A l’abri du tourisme de masse, l’île « Rouge » offre de belles découvertes et aventures aux visiteurs. Située dans l’hémisphère Sud où les saisons sont inversées par rapport à la vieille Europe, Madagascar s’étend sur une surface équivalente à  la France et le Bénélux réunis. Selon les estimations, la Grande Ile, dite encore « Mada » compte 24 millions d’habitants dont un dixième vit à Antananarivo, la capitale. Pays en développement, la Grande Ile,  Mada , ne s’est pas encore mise au diapason en matière de statistiques. Pas grave.  Mada est également appelée l’Ile Rouge, car son sol contient de l’oxyde de fer. En plein cœur de l’Océan Indien, Mada fait malgré tout partie de l’Afrique Australe. Pour certains observateurs, « les Malgaches sont à l’Afrique, ce que les Britanniques sont à l’Europe ».

Pendant la dérive des continents, Mada se serait détachée de l’Afrique à l’ère primaire, puis de l’Inde à l’ère secondaire. Outre son insularité, elle présente une identité culturelle d’une riche diversité. Avec des influences venues d’Afrique, d’Inde et d’Asie, la population malgache compte en fait 18 communautés ethniques. Sur place, chaque ethnie s’est établie dans une zone géographie bien déterminée, avec sa propre langue et ses coutumes. Sans être exhaustifs, arrêtons- nous sur les trois ethnies croisées lors de notre périple.

LES « MERINA » DES HAUTS PLATEAUX

Premiers à s’ouvrir aux étrangers pour leur savoir mais aussi pour les aider dans leur soif de conquêtes, les Merina vivent surtout dans la province d’Antananarivo qui compte 6 districts : l’Avaradrano, le Vakinisisaony, le Marovatana, le Vonizongo, l’Imamo et le Vakinankaratra. Les Merina pratiquent la circoncision et le culte des ancêtres. « Pour la « Famadihana », les restes mortuaires sont exhumés périodiquement du caveau familial. S’ensuit une grande liesse générale puis ces derniers sont recouverts d’un nouveau linceul ou « lamba mena » avant d’être remis à leur place » explique Josielle Randriamandranto de l’agence de voyages « Jacaranda », basée à Paris et à Tana. S’effectuant pendant trois jours, le retournement des morts se déroule généralement en septembre. Pour l’occasion, les Malgaches présents sur la Grande Ile et ceux de la Diaspora, notamment ceux basés en métropole et/ou à la Réunion, se retrouvent dans une ambiance festive. Chez les Merina, il existe 3 castes sociales : les « Andriana » (nobles), les « Hova » (roturiers) et les « Mainty », considérés comme des esclaves et serviteurs ou « Andevo ». Les Merina sont des agriculteurs mais aussi des éleveurs.

LES « BETSILEO » PRES DE FIANA

Ethnie localisée surtout dans la partie sud des Hautes Terres dans la région de Fianarantsoa dite encore « Fiana », les Betsileo ou « Les nombreux invincibles »  sont particulièrement nombreux à Mada. Dans cette ethnie, on compte encore 4 castes sociales : les « Hova » ou nobles, les « Andehova » (serviteurs des « Hova » considérés comme des hommes libres), les « Olom’potsy » (les petites gens) et les « Andevo » (esclaves par déchéance sociale ou par capture de guerre).

Dans chaque village Betsileo, des chefs traditionnels tiennent une place importante lors des circoncisions et des cultes voués aux ancêtres. Le « Mpimasy » (devin) est reconnu comme un guérisseur et la population craint le « Ombiasy » (sorcier) pour ses pouvoirs pouvant être bénéfiques ou maléfiques.  « Avec notre esprit cartésien nous avons du mal à comprendre la mentalité malgache. Comme dans toutes les ethnies de Madagascar, les esprits des ancêtres continuent d’être respectés mais aussi redoutés » indique un expatrié.

Présents au carrefour entre pays Bara et pays Merina, les Betsileo ont su tirer profit de cette proximité géographique. « Réputés pour être de grands riziculteurs, ils ont su développer différents systèmes d’irrigation dont la majorité de la production est destinée à l’auto-subsistance. Les zébus tiennent également une place importante dans la vie quotidienne des Betsileo puisqu’ils sont utilisés dans les champs. La pratique des cultures vivrières à flanc de colline – manioc, patates douces, maïs, pommes de terre – leur donne une certaine autonomie » analyse Josielle Randriamandranto. Pas de doute,  à la différence des porcs ou des volailles, l’élevage de zébus leur procure une certaine position sociale.

LES « BARAS » DANS L’ISALO

Présents dans le Sud de l’Ile, ces grands éleveurs de  ce type de bovins parcourent la savane pendant des jours  à la tête d’immenses troupeaux, en quête de nouveaux lieux de pâturages. D’ailleurs la taille de leur troupeau renseigne sur leur richesse. Détenir des centaines de zébus permet même aux hommes d’entretenir un harem. Et sans aller jusque là, sachez que pour démontrer leur bravoure et séduire les jeunes femmes, un Bara se doit de savoir voler un « bœuf ».  De grande stature, ils sont concentrés à Horombe et dans le Massif de l’Isalo.

UNE HALTE A TANANARIVE, LA CAPITALE

Ville d’altitude (de 1.240 à 1.471 mètres), Tana est la porte d’entrée de la plupart des touristes étrangers. A l’origine la ville a été bâtie sur 12 collines sacrées.  À la fin du 18ème siècle, pour sceller l’unité des royaumes de l’Imerina, Andrianampoinimerina consacra 12 collines (12 étant un chiffre sacré), puis épousa 12 femmes de villages rivaux. Chacune représenta son autorité sur une colline sacrée. Ces villages fortifiés étaient entourés de hady (profonds fossés), dotés de lourdes portes de pierre, de rova et de tombeaux princiers.

Aujourd’hui, le Grand Tana s’étend sur 18 collines. Aves sa Ville Haute et sa Ville Basse et même sa Ville Intermédiaire, cette capitale grouille de monde. Quelques rutilants 4×4 circulent à côté de cyclopousses et même de passants marchant pieds nus sur d’étroites chaussées. Les marchés déploient leurs étals colorés de fruits et légumes.

Dans la ville Haute, le Palais de la Reine ou Rova ravagé par un incendie en 1995 est enfin restauré. Mais le Palais de bois qu’avait fait construire en 1839  Jean Laborde, pour sa supposée maîtresse, la cruelle Reine Ranavalona 1ère, est bien parti en cendres.  Cet aventurier français a également offert l’aigle importé de France, au nom de Napoléon III, qui surmonte le porche d’entrée. A partir de cette ancienne résidence des rois et reines de Madagascar, le panorama sur la ville est grandiose.

LES FASTES DU PASSE A ANTSIRABE

Située à 1.500 m d’altitude, Antsirabe est la ville la plus fraîche de Madagascar. Antsirabe possède un climat chaud avec un hiver sec. Antsirabe est une jolie « ville thermale«  entourée de massifs volcaniques. Elle est située à 170 km au Sud d’Antananarivo. Sur la fameuse nationale 7 malgache, il faut compter trois bonnes heures pour s’y rendre, au départ de Tana.

Historiquement surnommée « Vichy malagasy« , elle fut créée au début du 17ème siècle par Nicolas Mayeur, le premier européen à visiter la ville. Il la nomma alors Andratsay. En 1872, des missionnaires norvégiens s’y installèrent pour apprendre aux habitants à fabriquer des briques et à construire des maisons en dur. La ville fut renommée Tsirabe.

Au cours du 20ème siècle, des colons Français y résident et font bâtir de beaux bâtiments : la gare, des villas cossues et le superbe hôtel des Thermes.  Aujourd’hui seule une aile de l’imposant Hôtel des Thermes est exploitée. Elle reçoit souvent des missions gouvernementales en provenance de Tana. La Cathédrale vouée à Notre Dame de la Saletre date des années 1950.

En 1953, le roi du Maroc Mohammed V et son fils Hassan II furent gardés en exil dans cette cage dorée.  Cet établissement, la gare et les maisons coloniales s’admirent lors d’une ballade en pousse-pousse. Dans la seconde ville malgache, ce moyen de locomotion reste encore un grand classique.  Des paysans en louent à la journée à des propriétaires, afin d’encaisser de maigres revenus. Toutefois les cyclo pousses commencent à apparaître dans la ville.

En continuant la route, le Centre Thermal de Ranomafana  ou « Centre national de crénothérapie et de thermo-climatisme », fonctionne encore. Au début du 20ème siècle, la station thermale était réputée dans tout l’Océan Indien notamment pour soigner les rhumatismes.

A partir d’Antsirabe, direction vers le Sud pour atteindre le superbe Parc National d’Isalo. Il faut parcourir 250 km. « Mais à Mada comme en Afrique, on ne calcule pas en distance, mais en durée de parcours, sur la base de 40 à 50 km heure » indique notre chauffeur. Faites le compte. Le trajet dure près de 5 heures ! Avec les rizières en terrasse qui évoquent l’Asie, les paysages sont superbes. Selon les ethnies, les habitants ressemblent plutôt à des asiatiques ou à des africains. Le voyage est ponctué par des multiples arrêts où des paysans vendent leur maigre récolte : clémentines durant l’hiver austral ou  gingembre ou encore des nèfles. Loin d’être monotone, la route est animée par ces hordes de paysans qui parcourent des kilomètres à pied pour se rendre au marché. Les femmes lavent leur linge dans les rivières et le font sécher sur les rochers aux alentours.

LE PARC D’ISOLA OU LE COLORADO MALGACHE

A 269 km au sud de Fianarantsoa,  se trouve le Parc National Terrestre Isalo implanté sur la Commune de Ranohira. Là-bas les visiteurs ont l’impression de changer de continent. Cet immense massif de grès érodé date du jurassique (de 139 à 205 millions d’années). Avec ses teintes ocres, variant avec l’intensité du soleil, il ressemble un peu au Colorado. De caractère ruiniforme, ce massif de près de 82.000 hectares s’étend sur une longueur moyenne de 59 km du Nord au Sud et une largeur moyenne de 22 km d’Est en Ouest. Son périmètre atteint 164 Km. Comme le signalent les responsables de ce parc national le plus visité de Madagascar, «  Cet habitat exceptionnel présente une géomorphologie typique et une faune spécifique. De plus  sa végétation rupicole est endémique, puisqu’on y trouve des Aloès, Euphorbes, Pachypodes, Kalanchoe ». Ce superbe parc se visite à pied avec des guides locaux. Avec un peu de chance, vous rencontrerez des lémuriens. Lorsqu’ils ne sont pas apprivoisés, ils ne viendront pas se réfugier sur les épaules des visiteurs.

Animaux emblématiques de Madagascar, les lémuriens ne se ressemblent pas tous. Il en existe cinq grandes familles et 101 espèces ! Le plus caractéristique, le bondissant « lemur Catta » a une longue queue rayée en noir et blanc. Ayant renoncé à manger les lémuriens, les habitants de la réserve villageoise Anja ont enfin compris l’intérêt de protéger ces animaux endémiques. En leur compagnie, les promeneurs lèvent les yeux pour repérer les lémuriens sautant de branches en branches. Un superbe spectacle.


Reportage Texte & Photos Martine Denoune 


CARNET DE VOYAGE – CARNET DE VOYAGE – CARNET DE VOYAGE

Avion : 10 heures de vol non stop au départ de Paris. Seulement une heure de décalage horaire.

Réseau routier : Madagascar compte environ 49.250 km de routes/pistes. Mais seulement environ 2.000 km bénéficient d’un revêtement offrant des conditions de circulation de « bonnes » à « dégradées ».  Juste après la saison des pluies, des pistes ne sont pas praticables.

La Route Nationale 7 reliant Antananarivo à Toliara d’une longueur de 936 km, la route nationale 7 est le principal axe touristique du pays. Faisant la liaison entre Tamatave où se trouve le seul port commercial de l’Ile et Antananarivo, la Route Nationale 2 est très fréquentée par des camions porte-conteneurs.

Déplacements : conduire à Mada relève du grand sport. Même les étrangers ayant habité sur l’île prennent une voiture avec chauffeur. Autre solution, pour les plus courageux si l’on n’est pas en voyage de groupe : les taxis de brousse hyper-bondés.

Hébergement : il existe des hôtels de catégorie 3 étoiles ou des lodges tout à fait convenables. Ces établissements sont souvent exploités par des étrangers.

Langue : nombre de Malgaches parlent français. Et surtout ce peuple est très accueillant.

Conseils : Saison idéale entre juillet et décembre, selon la région. Compte tenu de la taille du pays, Madagascar se visite souvent à l’occasion de deux voyages. Reportage réalisé avec le concours de l’agence de voyages Jacaranda. Site Officiel : madagascar-tourisme.com/fr

Vive les diminutifs

A Madagascar, les noms des villes sont tellement longs, qu’il est d’usage de les raccourcir. Le lecteur comprendra donc que « Mada » signe Madagascar. Et que Tana désigne Tananarive. Ou encore Fiana, la ville de Fianarantsoa !

 

DES DEFINITIONS CONCRETES ET IMAGEES CORRESPONDENT A CHAQUE ETHNIE…

Merina : «ceux des hauteurs» d’origine asiatique (indonésienne) assez marquée, ils résident au centre de l’île.

Betsileo : «ceux qui sont invincibles» ils vivent dans la région de Fianarantsoa (centre-est) et sont d’excellents riziculteurs et artisans du bois.

Betsimisaraka : «ceux qui ne se séparent pas» tribu la plus importante vivant le long de la côte est, ils cultivent le café, la girofle et la canne à sucre.

Sakalava : «ceux des longues vallées» ils occupent un territoire très vaste sur toute la côte ouest, du nord jusqu’à Tuléar (à l’ouest).

Antaisaka : «ceux qui viennent des Sakalava».

Antandroy : «ceux des épines», ils vivent à l’extrémité sud de l’île.

Mahafaly : «ceux qui font les tabous», voisins des Antodroys, ce sont des sculpteurs.

Vezo : ce sont des pêcheurs de l’Afrique de l’Est installés au sud de l’île.

Bara : d’origine bantoue, ils sont souvent éleveurs de zébus.

Antakarana : «ceux de l’ankara : la falaise» ce sont des pêcheurs et des éleveurs (au nord).

Antemoro : «ceux du littoral», ce sont en grande partie des cultivateurs.

Antaifasy : «ceux qui vivent dans les sables», sur la côte est.

Masikoro : agriculteurs du sud de l’île.

Antambahoaka : un groupe du Sud-Est d’origine arabe; ils se disent descendants de Raminia, un personnage parti de la Mecque vers le Xe ou le XIe siècle.

Tsimihety : «ceux qui ne se coupent pas les cheveux», vivant dans le Nord-Ouest, ils sont éleveurs et riziculteurs.

Tanala : «ceux qui vivent dans la forêt», vivent sur les falaises de la côte Est, dans la forêt; ils détiennent un grand savoir sur les plantes médicinales.

Bezanozano : «ceux aux nombreuses petites tresses», ce sont des forestiers de la côte Est.

Sihanaka : «ceux qui errent dans les marais», ils habitent dans la région du lac Alaotra, agriculteurs (nord-est).

Les principales communautés des plateaux sont les Merina, qui représentent le quart de la population (25 %), et leurs cousins les Betsileo (12 %). Les membres de ces deux groupes descendent essentiellement d’immigrants venus de Malaisie et d’Indonésie, qui colonisèrent Madagascar il y a environ 2000 ans. Les régions côtières sont habitées surtout par des populations métissées de Malais, d’Indonésiens, de Noirs africains et d’Arabes; parmi ces groupes, citons les Betsimisaraka (10,9 %), les Sakalava (6 %), les Antaisaka (5 %), les Antandoy, les Mahafaly et les Vezo.