ITALIE : Venise

…Celle des Vénitiens

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La cultissime Place Saint-Marc

Venise, la belle, mythique, éternelle… séductrice comme Casanova, aventurière comme Marco Polo… qui comptent parmi ses plus célèbres citoyens… Venise, objet de toutes les polémiques, symbole négatif du tourisme de masse qui n’en finit plus de trimbaler ses clichés de “Cartes Postales” : Place Saint-Marc, Basilique, Palais des Doges, Pont des Soupirs, Rialto, gondoles, carnaval… et maintenant la menaçante et gigantesque silhouette des bateaux de croisières qui hantent la lagune et vomissent des milliers de curieux chaque jour… Venise qui agonise d’être trop populaire, trop superbe, trop convoitée… Venise, où, selon Jean Cocteau, “Les pigeons marchent et les lions volent” !

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Au-delà de tous ces lieux communs, nous sommes partis flâner à  Venise, en compagnie d’un vrai vénitien, Giambattista, qui nous a fait découvrir sa ville, la seule au monde où tout véhicule est banni et qui recèle bien des ruelles cachées, des patios fleuris, des jardins intérieurs secrets… Des Palais surannés utilisés pour magnifier l’art contemporain… Une Venise culturelle où la Fenice, son époustouflant opéra, résonne des notes de la “Traviata” et renaît toujours de ses cendres (Fenice signifie Phénix en français !)… comme Venise, elle-même qu’on n’arrête pas de condamner à mort à brêve échéance ! Venise, qui, malgré ces menaces persistantes affiche fièrement ses 15 siècles d’existence et de fascination sur les hommes qui l’ont aimée ou haïe…

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Venise est parcourue par 177 canaux (dont le plus important est le Grand Canal) et 455 ponts (le plus souvent arqués pour laisser passer les bateaux). Elle possède 123 églises et s’étend sur 118 îles situées entre l’embouchure de l’Adige (au Sud) et du Piave (au Nord). Elle est découpée en six quartiers historiques appelés les “Sestieri” : San Marco, Castello et Cannaregiosur la rive gauche du Grand Canal et Santa Croce, San Polo et Dorsoduro sur l’autre rive.

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Les bâtiments de Venise sont construits sur des piliers de bois. Ils sont exposés à la menace de marées, notamment entre l’automne et le début du printemps où la ville est périodiquement inondée. Ce phénomène, appelé  “Acqua Alta” (Eau Haute) par les Vénitiens, s’explique par la conjugaison de plusieurs facteurs naturels : attraction lunaire, et surtout le sirocco, ce vent chaud venu d’Afrique qui empêche la lagune de se vider, les marées hautes se succédant les unes aux autres. Ce phénomène a toujours existé, mais s’est largement amplifié ces dernières décennies sous l’influence conjuguée de plusieurs causes relatives au changement climatique et à l’activité humaine.

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Notre balade, non exhaustive, nous fera passer par des rues désertes où seuls les Vénitiens savent se diriger… De palais en palais, de place en place, de pont en pont… nous voici arrivés à l’hôpital : Presque l’envie de finir aux Urgences ! Le San Giovanni et Paolo était un hospice, orphelinat et conservatoire de musique vénitien actif aux 17 et 18èmes siècles. Cette institution, financée par la République de Venise, fut fondée en 1346 pour accueillir les nouveau-nés abandonnés que l’on pouvait lui confier en les déposant dans un emplacement spécialement aménagé dans le mur d’enceinte : les religieuses les prenaient en charge de l’autre côté.

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On y recueillait aussi les orphelins, les enfants illégitimes ou les enfants de familles indigentes. Les garçons y étaient admis et élevés jusqu’à l’adolescence ; les filles pouvaient y demeurer autant que nécessaire. Francesco Gasparini fut maître de violon de cette institution et Antonio Vivaldi à partir de 1704. L’ambulance qui transporte les malades est naturellement… un bateau ! (Notre Photo ci-dessus).

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Il fait chaud à Venise, en ce début juin, et on y marche beaucoup… La preuve ? Même les “gabbians” veulent se rafraîchir aux fontaines ! (Notre Photo)… Enfin, le terme “Gabbian”, c’est plutôt du langage marseillais… En Français on dit “Mouette”…Mais en Italien, Gabbiano… Alors !

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Immortaliser l’instant avec nos guides, Giambattista et Natalia et Greg, leur ami

Bien loin des “fast food” et des groupes de touristes, il existe des “Trattorie” typiques proposant le bon vin blanc de Vénétie accompagné de petits panini types tapas garnis de spécialités. Ces bonnes adresses sont parfois dénichées par des voyageurs perdus dans le dédale des canaux mais surtout fréquentées par les locaux.

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Nous avons vu les gondoles, les gondoliers au travail avec leur faconde et leur habit traditionnel…mais aussi le “Chantier Naval” des fameuses barques qui demandent souvent à être restaurées ! Ça, c’est pour la face cachée…

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Dans le quartier du Cannaregio, voici le “Ghetto” de Venise qui ne possède pas de grands monuments mais demeure intéressant pour comprendre l’histoire des Juifs dans la Sérénissime : Au 12ème siècle, on attribua à la communauté juive (la plus importante, après les grecs) l’île de la Spinalunga, qui prit le nom de Giudecca quand Les juifs s’y installèrent. En 1527, un décret ordonna aux Juifs de déménager dans la zone du Cannaregio, où se trouvaient les anciennes fonderies à canons. Ici, on rencontre les immeubles les plus élevés de la ville : du fait de l’impossibilité de construire de nouvelles habitations au sein de ces quartiers limités et clos, les habitations se sont développées verticalement. Il y a encore cinq synagogues dont les plus importantes sont la Scuola Grande Spagnola et la Levantina où l’escalier de la bimàh monte vers le ciel.

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En poursuivant nos découvertes insolites, voici un palais incroyable où l’escalier monumental de marbre conduit à …une salle de sports polychrome où l’on joue au basket indoor !  Et puis, ces bateaux-maraîchers qui proposent fruits et légumes, ces échoppes d’artisans où se confectionnent les objets en verre soufflé, les beaux masques en papier mâché qui côtoient les produits “cheap” des boutiques “attrappe-touristes” où tout est made in China…

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C’est tout ça Venise… une ambiance, des gens, le pire et le meilleur… et ça dure depuis si longtemps. « Aucun coin de la terre n’a donné lieu, plus que Venise, à cette conspiration de l’enthousiasme » dit Guy de Maupassant ! Oui, Venise est unique, exceptionnelle et inoubliable… Merci encore à Giambattista d’avoir bien voulu lever le voile sur cette “conspiration de l’enthousiame” !


Reportage : Textes/Dany Antonetti – Photos/Gérard Antonetti Copyright


BON PLAN : Hotel Villa Alberti à Dolo

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Lorsqu’on est en voiture à Venise, il est très difficile et coûteux de se loger dans la cite. Mieux vaut prévoir un village de proximité où l’on pourra laisser son véhicule et prendre un transport en commun. Cette belle villa à Dolo (Riviera del Brenta) offre tous ces atouts avec son beau jardin, ses chambres confortables et le bus ou le bateau pour la visite ! Site : villaalberti.it

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« N’est-ce pas, en effet, ici un lieu étrange par sa singulière beauté ? Son nom seul provoque l’esprit à des idées de volupté et de mélancolie. Dites : “Venise”, et vous croirez entendre comme du verre qui se brise sous le silence de la lune…. “Venise”, et c’est comme une étoffe de soie qui se déchire dans un rayon de soleil… “Venise”, et toutes les couleurs se confondent en une changeante transparence… N’est-ce pas un lieu de sortilège, de magie et d’illusion ?” Henri de Régnier « Esquisses vénitiennes » (1905)

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Je voudrais laisser le mot de la fin à ce superbe poème (mis en musique, bien sûr !) d’Yves Duteil écrit en 2007 : “Venise”

 

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Comme surgie du fond des âges,
Immobile dans son voyage,
Mosaïque de sang et d’or,
Venise a posé le décor.

 Tout est pour l’oeil dans ce théâtre :
Les eaux noires et les murs d’albâtre,
Illusion, lumières et fontaines.
Tout est là pour la mise en scène.

Dans l’écrin du soleil couchant,
Les palais et les goélands
Rivalisent de poésie
Pour ouvrir le bal de la nuit.
A l’heure ou les ombres se glissent,
Il flotte encore dans les ruelles
L’atmosphère étrange et cruelle
De Lucrèce et des Médicis
Mais déjà le soleil se lève.
Le rideau s’ouvre sur le rêve
Et c’est là que la ville explose
De violet, de vert et de rose

Sous les masques des farandoles,
Dans le glissement des gondoles,
La symphonie des mousselines
Des guitares et des mandolines.

C’est la foule qui vous emporte
Au hasard des ponts et des portes,
Ivre de liesse et de folie.
Mon Dieu que Venise est jolie.

Sous le ciel des balcons fleuris
Où l’on voit tourner les enseignes
Et dans le désordre qui règne,
Venise alors a du génie.
Puis le tableau reprend sa place.
Peu à peu, la folie s’efface.
Juste une effluve de fanfare,
Quelques rires, un pas qui s’égare.
On entend les pontons gémir.
C’est l’hiver au pont des Soupirs.
Un bateau s’en va vers les îles.
Les heures s’égrènent au Campanile.

A Venise, rien n’a changé.
Même les siècles ont beau laisser
Des lézardes aux murs des maisons,
Jamais le temps n’a eu raison

Ni des fastes du carnaval,
Ni des pierres ou des Bacchanales,
De Vérosène ou du Titien,
Ni des lustres en cristal ancien

Et déjà le soleil du rêve,
Sur Venise, à nouveau, se lève.
A nouveau, les façades explosent
De violet, de vert et de rose

Sous les masques des farandoles,
Dans le glissement des gondoles,
La symphonie des mousselines
Des guitares et des mandolines.
C’est la foule qui vous emporte
Au hasard des ponts et des portes,
Ivre de liesse et de folie.
Mon Dieu que Venise est jolie.

Sous le ciel des balcons fleuris
Où l’on voit tourner les enseignes
Et dans le désordre qui règne,
C’est l’enfer ou le paradis
Qui vous mène au bout de la nuit.

Venise alors a du génie.