Espagne : « La Ruta del Este »

A l’initiative de l’Office de Tourisme d’Espagne, nous sommes allés à la découverte des lieux méconnus de la péninsule ibérique. Partis du Delta de l’Ebre en Catalogne, nous avons rejoint Tortosa (Catalogne toujours) puis l’Aragon et ses villages comptant parmi les plus beaux d’Espagne (Calaceite, Valderrobres, Alcaniz, Calanda et Teruel, ville inscrite au Patrimoine Mondial de l’Unesco). L’itinéraire se poursuivait ensuite dans la région de Castilla-La Mancha au château de Zafra et dans le Parc du Haut Tage et Molina de Aragón. Le périple s’achevait à Sigüenza et son superbe château La Granja aux aspects versaillais. Au programme de nombreuses visites culturelles mais aussi de grandes balades « nature » à VTT comme en randonnée, histoire de s’initier à tout le potentiel des régions traversées.
Le Delta de l’Èbre (Catalogne) : un p’tit air de Camargue !

Notre circuit commence au Delta de l’Ebre en Catalogne (Nous sommes à 174 km de Barcelone). Le fleuve se jette dans la Méditerranée après un parcours de 928 km. C’est le pays des rizières, des salines et des lagunes investies par les flamants roses et autres oiseaux migrateurs… ressemblance frappante avec la Camargue ! Le Parc Naturel « Parque Natural del Delta del Ebro » a été créé en 1983. C’est la plus grande zone humide de Catalogne. Il fait partie de la Réserve de Biosphère des Terres de l’Ebre.

Une belle balade à VTT dans la Baie de Fangar est propice à la découverte de ce milieu fragile et de ses divers écosystèmes où à l’élevage des huîtres et des moules dans les eaux calmes et tièdes du Delta s’ajoutent les poissons et crustacés de la Méditerranée cuisinés suivant la tradition.
Tortosa : une mini-croisière sur l’Ebre

A peine arrivés à Tortosa, nous voici embarqués sur le fleuve pour admirer d’une façon différente la belle cité qui n’a jamais réussi à obtenir le statut officiel de « province » ( comme Tarragone) en Catalogne. Cependant, Tortosa offre un riche passé architectural comme le château de Sant Joan ou de la Zuda qui est une forteresse érigée sous Abd-al-Rahman III puis réaménagée après la reconquête de la ville qu’il domine de sa silhouette. La cathédrale de Santa Maria a été commencée en l’an 1347… On estime que sa construction – telle que nous la connaissons aujourd’hui – a duré 412 ans ! C’est l’un des exemples les plus remarquables du gothique catalan. Érigée au pied du promontoire du château, elle occupe l’emplacement d’un ancien forum romain, d’un site wisigothique et de l’ancienne mosquée musulmane.

Au 16ème siècle, Tortosa était l’une des villes les plus importantes de Catalogne, prospère sur le plan économique et culturel. Les Collèges Royaux, construits pour éduquer les Maures, représentent l’œuvre majeure de la Renaissance civile en Catalogne.
A ce propos, nous visitons – en centre ville – un refuge anti-aérien de la Guerre civile… On y apprend qu’Ernest Hemingway fut envoyé en qualité de correspondant de guerre pendant la Guerre Civile Espagnole. Sa première chronique date de 1938 lorsqu’il arrive pour couvrir la défense du cours inférieur de l’Ebre face à l’avancée des troupes franquistes. « A deux heures cet après-midi, Tortosa était une ville quasiment démolie, abandonnée par la population civile et sans aucun soldat ». Il fait alors l’éloge de la défense républicaine de Tortosa et en 1940 il publie « Pour qui sonne le glas » qui fait référence à cette terrible guerre. « Au-dessus de nos têtes – écrit-il –  dans le ciel haut et sans nuage, flotte après flotte, les bombardiers volaient sur Tortosa avec fracas. Lorsqu’ils larguèrent leurs charges dans un grondement soudain, la petite ville sur la rive du fleuve Ebre disparut dans un nuage croissant de poussière jaune » (Avril 1938/Bombing of Tortosa). Cette reconstitution de bombardements est particulièrement émouvante !
DE LA CATALOGNE A L’ARAGON…
La Région de Matarraña : L’huile d’olive de Calaceite et la pêche « empaquetée »…

La prochaine étape nous mène dans la région de Matarraña. À Calaceite, réputée depuis longtemps pour la qualité de ses huiles d’olive, nous faisons l’expérience de l’oléotourisme en vélo électrique à travers les oliveraies. L’huile d’olive du Bas Aragon est une huile extra vierge provenant d’olives de la variété « Empeltre » cultivées, transformées, conditionnées et commercialisées sur le territoire. Nous avons pu piqueniquer (fin octobre) à Fonda Alcalá dans l’oliveraie du « Mas Dels Castellans » producteur d’huile d’olive depuis 1880.
L’autre point fort agricole de la région, c’est cette grosse pêche appelée « Melocotón de Calanda » car elle appartient à une variété jaune tardive. Dans la production de ce fruit singulier, on utilise la technique artisanale de l’emballage individuel pendant les mois de juillet et août. Cela permet de donner un produit plus sain et propre au moment de sa récolte, à partir de la mi-septembre et durant le mois d´octobre. Ce fruit doux et charnu se cultive sur les rives de la rivière Matarraña, sur 497 hectares d´irrigation répartis surtout sur les municipalités de Valdeltormo et Mazaleón. Une vraie découverte ! Ce type de méga-pêche flirtant avec le goût de la mangue est un vrai régal !
Alcañiz et son château devenu Parador

Alcañiz possède un centre historique pittoresque, avec son château-Parador dominant la ville et offrant une vue imprenable sur la région. La ville est aussi connue pour ses traditions populaires et son atmosphère authentique. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer des joueurs de tambours et bombos (grosse caisse) avec lesquels nous avons participé à un cours d’initiation à ces instruments.


La Route du tambour et de la grosse caisse (Ruta del tambor y el bombo) désigne neuf localités appartenant à la province de Teruel dans la comarque du Bajo Aragón. Dans ces villages, on peut suivre pendant la Semaine Sainte une route exceptionnelle par la façon spéciale qu’ont les habitants de célébrer la Passion du Christ. C’est une coutume provenant probablement de quelque cérémonie ancestrale bien que l’on dise qu’elle provienne du Moyen Âge quand les chevaliers des Ordres Militaires amenèrent dans ces terres ces deux instruments de percussion. La Semaine Sainte des villages du Bajo Aragón qui font partie de la Route du Tambour et de la Grosse Caisse, a été déclarée « Fête d’Intérêt Touristique National » en novembre 2005. Luis Buñuel fait figurer cette manifestation traditionnelle dans plusieurs de ses films.
Calanda (Aragon) : la ville natale de Luis Buñuel
Le fameux réalisateur Luis Buñuel (1900/1983) s’est fait connaître dans les dernières années du cinéma muet comme metteur en scène surréaliste d’avant-garde travaillant aux côtés de Dali et du groupe surréaliste parisien autour d’André Breton. Selon lui : « le cinéaste surréaliste est celui qui aura détruit la représentation conventionnelle de la nature, ébranlé l’optimisme bourgeois et obligé le spectateur à douter de la pérennité de l’ordre existant ».

Le Calandino (né à Calanda) Luis Buñuel n’est pas seulement l’un des meilleurs réalisateurs et l’un les plus influents au monde mais, dans son travail personnel, figurent des symboles présents, des inspirations et des traditions aragonaises qui en font une icône culturelle et une marque de fabrique du pays. Grâce à la collaboration entre la CBC, la Cinémathèque espagnole, le Gouvernement d’Aragon et la Caja Rural de Teruel, la numérisation des archives Luis Buñuel de la Cinémathèque espagnole permet un accès gratuit aux 3 000 documents qu’elle contient ! Il s’agit de la principale source d’information en ligne sur la vie et l’œuvre du cinéaste. Les Français cinéphiles l’ont notamment connu pour « Belle de Jour » (1967) avec Catherine Deneuve ou encore « Le charme discret de la bourgeoisie » (1972) avec Fernando Rey, Delphine Seyrig, Stéphane Audran, Jean Pierre Cassel ou Michel Piccoli… Un autre chef d’oeuvre des cinémathèques.

L’autre centre d’intérêt de Calanda est le Temple Pilar :  Ici, selon la légende, en 1640, se produisit le « Grand Miracle ». Un certain Monsieur Pellicer dont la jambe droite avait été amputée à l’hôpital de Saragosse après une chute à dos de mulet, se réveilla un beau matin avec ses 2 jambes ! Le miracle fut entériné dix mois plus tard par les instances religieuses. Pour commémorer l’évènement, la ville de Calanda a apposé une plaque (en 2000) sur la façade du monument… Mais les historiens demeurent sceptiques car le fameux Pellicer était plutôt manipulateur…
Teruel et l’architecture Mudéjare

En remontant vers Madrid, nous continuons nos découvertes… Teruel se trouve dans la plus petite des trois provinces (avec Saragosse et Huesca) qui composent la communauté autonome d’Aragon. La ville est célèbre pour son architecture « mudéjare » unique, classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Mais d’où vient cet art ? Le terme « mudéjar désigne d’abord les musulmans restés sous domination chrétienne après la Reconquista : le mot arabe « mudajan » signifiant domestique ou domestiqué ou bien encore « autorisé à rester ».

Par extension on désigne cet art qui utilise des techniques et matériaux d’origine musulmane (brique, plâtre ciselé, céramique) pour créer des édifices chrétiens comme le superbe plafond à caissons de la cathédrale.

On peut flâner sur la belle Plaza del Torico (le petit taureau), admirer les bâtiments modernistes et profiter de son atmosphère paisible et authentique.

Teruel fut le lieu d’une des plus dures batailles de la guerre d’Espagne (du 15 décembre 1937 jusqu’au 22 février 1938). Remportée par Franco, elle marqua un tournant décisif pour l’issue de la Guerre civile espagnole. La ville fut fortement détruite lors des violents combats entre républicains et nationalistes. La vieille ville de Teruel conserve un riche patrimoine médiéval : La tour de la Cathédrale de Teruel, comme celles d’El Salvador, San Martín et San Pedro font partie d’un riche patrimoine architectural de style mudéjar qui est classé au Patrimoine Mondial par l’Unesco.
Les amants de Teruel…
Suivant la légende, les Amants de Teruel, Diego de Marcilla et Isabel de Segura seraient morts en 1217 ! Diego et Isabel s’aimaient mais le père de la jeune fille préfèra un jeune homme de meilleure famille nommé Azagra. Diego partit pour la guerre amasser honneur et fortune, et revint au bout de cinq ans, délai qui lui avait été accordé. À son retour, il constate que son amoureuse vient d’épouser Azagra. Il lui demande un baiser qu’elle refuse : il meurt de chagrin. Isabel entre à l’église pendant les funérailles, donne un dernier baiser au cadavre de Diego et expire dans cette suprême étreinte. Les corps momifiés des deux amants ont été exhumés en 1555. Leur tombe était située dans le cloître de l’église San Pedro avant la construction d’un mausolée par le sculpteur Juan de Ávalos en 1955 !

Castille-La Mancha : Campillo de Dueñas et son château

Campillo de Dueñas est un petit village situé au cœur d’une nature préservée dans la province de Guadalajara, célèbre pour le château de Zafra. Ce château médiéval impressionnant a servi de décor à « Game of Thrones », où il représente la tour de la Sorcière dans le Val. Il se trouve sur le site d’une ancienne fortification wisigothe puis maure qui est devenue chrétienne après la conquête de 1129. Il a longtemps fait figure de site imprenable avec une grande importance stratégique à la frontière des royaumes chrétien et musulman.

Nous sommes allés à sa découverte à VTT après une balade de 6 km. L’édifice érigé sur un éperon rocheux date de la fin du 12ème siècle. Il a longtemps été considéré comme imprenable grâce à sa situation stratégique à la frontière des royaumes chrétien et musulman.
Le Parc Naturel du Haut Tage

Le fleuve Tage (en espagnol : Tajo) est le plus long fleuve de la péninsule ibérique. Le parc naturel de l’Alto Tajo prés de sa source est un joyau de la nature. Parmi ses merveilles, le Barranco de la Hoz se distingue par ses falaises impressionnantes domaine de l’escalade et de la randonnée. Ce canyon est creusé par le fleuve Gallo (court affluent du Tage). À l’entrée du canyon se trouve le sanctuaire de la Virgen de la Hoz (13ème siècle). Plusieurs sentiers mènent aux belvédères qui offrent une vue à 360°. Le centre d’interprétation de la zone se trouve à Corduente.

Molina de Aragón, la médiévale

Molina de Aragón, la médiévale, est célèbre pour son impressionnant château perché du 11ème siècle. Depuis le Parador de Molina de Aragón, on peut profiter de vues panoramiques spectaculaires sur la ville, les remparts, et les vastes étendues naturelles qui l’entourent. Ici nous avons pu être initiés à la préparation d’un plat typique, le « Migas del pastor ». On traduit littéralement par les miettes du berger. C’est un plat qui se cuisine avec du pain rassis, du chorizo, du lard et de l’ail sur lequel on vient ajouter des œufs frits. C’était à l’origine un plat ancien destiné aux travailleurs des champs et une façon de profiter des restes de pain sec.
Sigüenza, la belle de Castille-La Mancha !

Nous continuons à faire route vers Madrid… Voici Sigüenza, une ville qui allie histoire et beauté architecturale avec son impressionnante cathédrale médiévale (12ème siècle) et son château arabe transformé en Parador (depuis 1976), où il est possible de séjourner. Se promener dans ses ruelles pavées, découvrir ses places typiques et ses musées permet de plonger dans une atmosphère authentique.

A l’intérieur de la cathédrale, on s’attardera sur la chapelle du « Doncel », ce jeune chevalier, héros romantique, mort à 25 ans lors des guerres de Grenade (1486). Allongé mais éveillé, il tient un livre ouvert. C’est l’un des plus beaux joyaux de la sculpture espagnole. Le cloître offre un contraste saisissant : l’atmosphère y est suspendue ! Sigüenza a obtenu en 2023 le label « Meilleurs villages touristiques de l’Organisation Mondiale du Tourisme »

Le « Petit Versailles » de La Granja pour clôturer le périple !

La Granja, plus précisément le Palacio Real de La Granja de San Ildefonso est un palais royal situé près de Ségovie à 80 km de Madrid. Construit au début du 18ème siècle il s’inspire fortement du style français baroque. Ce lien avec la France s’explique par les origines du roi Philippe V dit « Le Courageux » premier roi Bourbon d’Espagne, qui voulait y recréer un symbole du pouvoir et du raffinement à la française. Le Château de Marly, une résidence royale moins connue près de Versailles, a influencé La Granja, notamment par son concept de refuge intime pour la royauté, reflétant une ambiance plus privée et détendue comparée à Versailles. Les jardins sont l’un des exemples les plus aboutis de jardins à la Française en Espagne… De bien belles découvertes ibériques à venir savourer de village en village en prenant le temps !

Reportage Texte & Photos Dany Antonetti
La « Route de l’Est » mais pas seulement…
Spain is (much) more !
Notre périple « Route de l’Est » était construit en parallèle d’autres circuits imaginés pour les différents marchés touristiques (USA, Allemagne, Royaume-Uni, Canada, Amérique Latine et Italie). Nous nous sommes tous retrouvés à l’issue des circuits au Parador de la Granja puis au centre des Congrès où avait lieu une soirée de Gala en présence des personnalités impliquées dans le programme.
Miguel Sanz, Directeur Général de « Turespaña »
Miguel Sanz, Directeur Général de Tourisme Espagne « Turespaña » expliquait dans son intervention que « pour la première fois, des journalistes de ces différents pays exploraient simultanément le coeur de l’Espagne sur 6 itinéraires trouvant l’équilibre parfait entre nature, culture, gastronomie et slow expériences… Ce rassemblement symbolique a mis en lumière – dit-il – la richesse de notre pays et le pouvoir transformateur d’un modèle touristique axé sur le local, l’émotionnel et l’authentique. L’initiative « Spain is (much) more » a été conçue comme une plate-forme en constante évolution pour présenter le meilleur du tourisme intérieur espagnol sur la scène internationale ». Site : tourspain.es
Raquel Sanchez, Présidente des Paradores de turismo…
« Un parador pour chaque personne et une personne pour chaque parador » explique la Présidente de la chaîne hôtelière gérée par les services du tourisme national depuis 1928 ! Il y une centaine d’hôtels Paradores (« Parar » signifie s’arrêter, faire halte ou encore rester !) aujourd’hui en Espagne dans des lieux emblématiques. Des lieux en osmose avec la nature dans des villages de charme comme dans les villes. Ils constituent un véritable héritage historique. Mais certains sont entièrement ancrés dans le futur comme celui de Tortosa. Les Paradores participaient à l’évènement et nous avons pu, chaque soir en apprécier un nouveau : Tortosa, Alcañiz, Teruel, Molina de Aragón et la Granja. Site : paradores.es
								