Les Baux-de-Provence

Venise, la Sérénissime

et Klein aux Carrières de Lumières

Situées au pied de la cité des Baux-de-Provence, au coeur des Alpilles, dans un lieu chargé de mystère : le Val d’Enfer, les « Carrières de Lumières » ont été creusées au fil des années pour extraire le calcaire blanc utilisé pour de nombreuses constructions dans la région de Saint-Rémy. En 1935, la concurrence économique des matériaux modernes conduit à leur fermeture. Mais avec le génie visionnaire de Jean Cocteau, le lieu trouve une nouvelle utilisation en 1959 avec le tournage du film « Le Testament d’Orphée ».

La transformation des Carrières se confirme en 1976 avec la création d’un projet destiné à mettre en valeur l’espace en utilisant les immenses murailles rocheuses comme supports pour sons et lumières. Pendant plus de 30 ans, les Carrières du Val d’Enfer ont accueilli ces spectacles audiovisuels qui s’inspiraient des recherches de Joseph Svoboda, l’un des grands scénographes de la seconde moitié du 20ème siècle.

Depuis 2012, Culturespaces y présente des expositions numériques qui immergent le visiteur dans l’univers pictural des grands noms de l’histoire de l’art sur une surface de projection de 7000m2 du sol au plafond. Les Carrières de Lumières s’affirment comme un lieu d’expérimentation transversale et de diffusion culturelle. En 2017, elles obtiennent le « Thea Awards », prix de la meilleure réalisation artistique immersive.

« Venise, la Sérénissime »

L’exposition propose un voyage exceptionnel à Venise et invite à découvrir ses immenses trésors artistiques et architecturaux. En déambulant le long du Grand Canal et des canaux, des ruelles et des places, des bâtiments et des églises, le public est invité à une promenade entre intérieurs et extérieurs, sacré et profane, à la découverte d’un passé exceptionnel.

En une quarantaine de minutes, le visiteur est immergé dans l’art byzantin et les mosaïques dorées de la basilique Saint-Marc, dans les chefs-d’œuvre du Tintoret, de Bellini ou de Canaletto ou encore dans la fameuse Mostra del Cinema avec des photographies d’actrices et acteurs du néoréalisme italien.

Artiste numérique, concepteur et réalisateur d’expositions immersives, Gianfranco Iannuzzi accompagne Culturespaces dans le développement de ses centres numérique en France comme à l’international. Sa singularité est de proposer une autre façon d’envisager, regarder et vivre l’art en invitant le public à une déambulation émotionnelle et sensorielle dans des lieux d’exception.

Il a réalisé de nombreuses expositions en France et à l’international, dans les centres d’art numérique, comme les Carrières des Lumières depuis 2012, l’Atelier des Lumières à Paris (depuis 2018), le Bunker des Lumières à Jeju en Corée (depuis 2018), les Bassins des Lumières de Bordeaux (depuis 2020) – qui à ce jour est la plus grande installation multimédia immersive permanente au monde – et l’Infinity des Lumières à Dubaï (2021).

« Les technologies multimédia avancées dont nous disposons aujourd’hui m’ont permis, au fil des ans, de créer et de développer un environnement musical et visuel, riche, fort, immersif et interactif, dit-il. Jouer sur le sensoriel, l’émotionnel pour que le public soit au cœur des expositions numériques, se déplace dans un espace pluridimensionnel et devienne lui-même partie intégrante de l’œuvre car les images sont partout… J’aime avec mon travail, faire découvrir au public des lieux exceptionnels, avec une «âme », une histoire, une architecture particulière. Ressentir le lieu est primordial, pour moi comme pour le public…Les technologies multimédia avancées dont nous disposons aujourd’hui m’ont permis, au fil des ans, de créer et de développer un environnement musical et visuel, riche, immersif et interactif. Jouer sur le sensoriel, l’émotionnel pour que le public soit au cœur des expositions numériques, se déplace dans un espace pluridimensionnel et devienne lui-même partie intégrante de l’œuvre car les images sont partout, aux murs, aux sols, aux plafonds ».

« Venise est le pays où l’on juge le mieux de la beauté des choses. »  Stendhal

L’exposition immersive s’ouvre sur une série d’oeuvres de Claude Monet représentant les soleils couchants et les façades majestueuses des palais vénitiens. L’artiste a peint au total 37 toiles représentant les monuments architecturaux de la ville. Le visiteur découvre ainsi l’emblématique façade gothique du palais des Doges, le baroque de l’église Santa Maria della Salute, la basilique néoclassique de San Giorgio Maggiore.

Canaletto a restitué mieux que tout autre les scènes quotidiennes de la Venise du 18ème siècle : la représentation minutieuse du va-et-vient incessant des gondoles, barques et bateaux de l’époque montrent une Venise active, industrieuse, vivante et à l’apogée de sa splendeur. La vie sur le canal cède la place à une promenade sur la place Saint-Marc où domine sa basilique, joyau de l’architecture byzantine, tandis que les passants vaquent à leurs occupations en costumes d’époque.

Plongeon au cœur de l’art byzantin qui laissa sa marque dans l’histoire et l’architecture de Venise. Le cœur de la Basilique scintille de mille feux sous les reflets de l’or, de la lumière des mosaïques et sous l’éclat des trésors de l’orfèvrerie. Le visiteur pénètre dans la Basilique consacrée à saint Marc, patron de Venise, et dont l’attribut, le lion, est devenu également un véritable symbole de la ville. La décoration intérieure rayonne de plus de 3 995 m2 de mosaïques…

Le grand peintre Carpaccio réalise un cycle de tableaux consacrés aux épisodes de la vie de sainte Ursule, destinés à une confraternité religieuse appelée en italien Scuola di Sant’Orsola, anciennement située à côté de l’abside de la basilique de San Giovanni e Paolo. L’histoire de sainte Ursule est racontée par Jacques de Voragine dans la Légende dorée.

Le cycle de l’histoire de sainte Ursule comprend une série de huit tableaux exécutés entre 1490 et 1496. L’une des œuvres les plus novatrices et originales du peintre, qui enrichit l’histoire de multiples anecdotes et inventions formelles dans le cadre pittoresque des fêtes vénitiennes.

Le Miracle de la relique de la Croix au pont du Rialto, aussi appelé La Guérison du fou met en scène l’une des nombreuses cérémonies qui marquaient la vie vénitienne à la fin du 15ème siècle.
Découverte fascinante du premier pont du Rialto, qui était alors entièrement fait de bois, puis détruit dans un incendie…

Puis, découverte de Venise à travers le monde des fêtes et de l’opéra : le peintre Pietro Longhi a subtilement restitué l’atmosphère de ces fêtes masquées pendant lesquelles les bals ont lieu dans les grands salons des palais tandis qu’à la Fenice, célèbre théâtre de Venise, le public assiste à une représentation de La Traviata qui fut spécialement composée par Giuseppe Verdi pour ce lieu en 1853.

Les confraternités religieuses ont joué à Venise à la Renaissance un rôle important de mécènes et rivalisaient d’inventions en recourant aux plus grands artistes de la cité pour la décoration de leurs édifices, les fameuses « scuole ». Nous découvrons alors une des plus célèbres d’entre elles : la Scuola Grande di San Rocco entièrement décorée par Le Tintoret, peintre du mouvement et de la couleur. Le Tintoret composa également pour la salle du Grand Conseil du Palais des Doges une toile de 24,5 mètres de long sur 9,90 mètres de haut, pour laquelle il fut assisté de son fils Domenico. Cette œuvre représente le paradis à travers une foule de personnages, comme suspendue entre ciel et terre, selon un procédé de composition cher au peintre. Le Paradis est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du peintre, à qui on avait pourtant tout d’abord préféré son rival, Véronèse. Mais ce dernier meurt avant d’avoir pu commencer sa réalisation et c’est au Tintoret qu’il incomba de traduire en formes et couleurs sa vision d’un paradis tout anthropomorphe.

L’intérieur d’une des nombreuses églises vénitiennes se révèle peu à peu. Les chapelles latérales ornées de marbres et de colonnes prennent forme laissant lentement apparaître les plus belles madones à l’enfant. La délicatesse des visages de ces madones met en avant la subtilité et la perfection formelle de Giovanni Bellini, peintre majeur du quattrocento vénitien.

Avec Le Titien et Véronèse, les scènes champêtres mettent au premier plan un corps féminin qui se libère définitivement de toute représentation sacrée pour devenir sujet sensuel et désirable. Les portraits du Titien aux noms éloquents comme Flora, La Bella ou Vanité du monde complètent ce parcours sur la représentation de la femme entre sacré et profane, signe de l’évolution des mœurs et des coutumes dans la cité des Doges.

Changement de décor pour pénétrer dans le monde de la photographie. Les belles vénitiennes des temps anciens cèdent la place aux photos des jeunes actrices italiennes ou internationales du cinéma. C’est la Mostra del cinema, importante manifestation célébrant le 7e art qui véhicule, l’image d’une Venise glamour sur la scène internationale dans les années 1960.

Les modes passent tandis que le Palais des Doges, édifice emblématique de la ville de Venise classique, demeure superbe dans sa dentelle de brique et de pierre blanche. En son cœur, le lion ailé symbole de la puissance de Venise trône dans l’escalier monumental de marbre blanc.

Les Noces de Cana de Véronèse fut peint en 1562-1563 pour le réfectoire des bénédictins de San Giorgio Maggiore. Il est aujourd’hui exposé au Louvre. À travers le thème de la noce, Véronèse met en scène un véritable festin où se distinguent 130 personnages, parmi lesquels de nombreux contemporains du peintre, peut-être même les peintres Tintoret et Titien. Le sujet religieux issu de l’Évangile selon saint Jean cède ici la place à une célébration toute vénitienne, cosmopolite et moderne. Le décor architectural peint par Véronèse s’efface progressivement pour laisser apparaître les superbes colonnes de la loggia du Palais des Doges qui offre une ultime vision de la ville peinte à son apogée. L’ombre des toits de la ville se profile sur les murs. Les visions brumeuses et évanescentes du peintre Turner résonnent avec celles de Monet présentées dans le prologue. Elles créent une tonalité romantique et suggestive qui clôt le parcours.

Yves Klein, l’Infini bleu

Originaire de Nice, Yves Klein admire le ciel de la Méditerranée et y voit sa première œuvre, l’origine de son inspiration. Avec Yves Klein, la couleur prend une dimension spirituelle et métaphysique. Cette création d’une dizaine de minutes plonge le visiteur dans les œuvres de l’artiste, au-delà de son célèbre bleu IKB (International Klein Blue). Nous y découvrons l’empreinte du corps avec ses Anthropométries ou encore celle de la nature avec ses Cosmogonies et ses Reliefs Planétaires. Cette exposition a été rendue possible grâce à l’autorisation des Archives Yves Klein et à leur précieux concours.

C’est dans un décor du Paris des années 1950 que le visiteur est invité à prendre place dans un salon d’art contemporain afin de participer à une performance d’Yves Klein qui s’ouvre sur un accord en ré majeur de la Symphonie Monoton-Silence. Retraçant le parcours de l’artiste et sa quête de l’immatériel, l’exposition immersive dévoile les premières œuvres de l’artiste, les Monochromes, conçues pour exprimer le monde vivant de chaque couleur mais perçues par le public comme un ensemble polychromatique.

Supprimant la diversité colorée, un orage de pigment bleu outremer envahit l’espace et transporte les visiteurs dans un monde nouveau, celui du rayonnement de la couleur. Avec Yves Klein, le pouvoir destructeur du feu se mue en une véritable puissance créatrice. Juste avant de mourir, Yves Klein confiera à un ami : « Je vais entrer dans le plus grand atelier du monde. Et je n’y ferai que des œuvres immatérielles. » Hommage à cette dernière confession, le final de l’exposition immersive conduit le visiteur dans une atmosphère presque dématérialisée et infinie.

Grâce à une sélection de 90 œuvres et 60 images d’archives, « Yves Klein, l’infini bleu » offre une immersion totale dans la matière et la sensibilité, au son montant et vibrant de Vivaldi ou aux rythmes électroniques de Thylacine.

Les « Carrières de Lumières » se situent à 800 mètres du Château-des-Baux, 15 km au nord-est d’Arles et à 30 km au sud d’Avignon. Ouvert au public jusqu’à janvier 2023.

Site : carrieres-lumieres.com
Adresse : Route de Maillane / 13520 Les Baux-de-Provence

Reportage Dany Antonetti / Photos Gérard Antonetti (Mars 2022)