ESPAGNE : Castilla y Leon

Château de Penafiel

Située au nord-ouest de la Péninsule Ibérique, la région autonome Castilla y Leon fut, de tous temps, un passage obligé entre le Portugal et l’Europe. Composée de 9 provinces, c’est l’une des régions les plus vastes d’Europe. De nombreuses cultures y ont laissé leur empreinte mais les monuments les plus représentatifs sont les châteaux d’où le nom de « Castille » (château en espagnol). Notre voyage culturel nous permettra de faire une escapade dans les provinces de Burgos puis celle de Valladolid en empruntant la Route des Vins « Ribera de Duero »

Santo Domingo de Silos

L’abbaye Saint-Dominique de Silos (Monasterio de Santo Domingo de Silos) est une abbaye bénédictine fondée au 10ème siècle dans la vallée du Tabladillo. La vie monastique y a commencé au 9ème siècle dans des granges monastiques au moment du début de la reconquête castillane. Le moine Dominique de Silos y fut canonisé en 1076 et l’endroit devint lieu de pèlerinage. Tout le monde veut voir ce lieu où mourut Domingo. Divers bâtiments romans sont construits. À leur arrivée, les moines avaient planté dans le cloître un cyprès qui est aujourd’hui l’emblème du monastère (planté en 1882, il atteint 25 mètres). L’Abbaye est notamment célèbre, aujourd’hui, pour éditer des disques de chants grégoriens mondialement connus et vendus à des millions d’exemplaires depuis 1994.


RENCONTRE AVEC EMETERIO…

Au village de Santo Domingo de Silos, Emeterio Martin, succède devant le four à bois à sa mère, Pilar dans ce palais à la façade baroque, construit en 1745 et devenu l’Hotel « Tres Coronas de Silos ». Il est fier de dire que pour la 4ème fois consécutive, il a été élu maire ! « Je suis de la seconde génération, dit-il, et nous mettons un point d’honneur à perpétuer la tradition gastronomique castillane : boudin typique au riz, agneau cuit au feu de bois… Mais aussi la liqueur de gin Silos fabriquée suivant la recette des moines bénédictins. Le genévrier lui donne son goût principal mai s’ajoutent aussi des saveurs de lavande, romarin, cassis, rose sauvage ou encore ortie. La région renferme la plus grande forêt de genévrier du sud de l’Europe ».

Site : hoteltrescoronasdesilos.com

Covarrubias, l’un des « Plus beaux villages d’Espagne »

Covarrubias, au bord de la rivière Arlanza doit son nom aux grottes rougeâtres (rubias = rubis). La vieille ville est un exemple de l’architecture castillane aux rues à arcades et aux maisons à charpentes de bois  (un peu comme en Alsace !). On y visite la Collégiale romane (10ème siècle) de San Cosme y San Damian avec son cloître du 16ème où repose Christine de Norvège, la Princesse qui venait du froid ! Elle avait épousé Don Felipe frère d’Alphonse X. Le pays a fêté, en 1984, le 750ème anniversaire de sa naissance !

Covarrubias : porte médiévale
Covarrubias : maisons à charpentes de bois
Collégiale de Covarrubias : le plus intéressant tableau est le tryptique baptisé « Epiphani » où Jésus reçoit les cadeaux des rois mages (15ème siècle, artiste inconnu).

Lerma et l’exposition « Angeli »

Lerma est située sur une colline qui domine la vallée du fleuve Arlanza. C’est l’un des rares exemples d’urbanisme classique (17ème siècle) en Espagne. Elle doit sa splendeur à Francisco de Sandoval, duc de Lerma (1553-1625), l’ambitieux favori de Philippe III. Sur la plaza Mayor s’élève l’élégante façade du palais ducal transformé en hôtel de luxe « Parador ». Aux lignes sobres et élégantes, le palais est flanqué de quatre tours angulaires. En face de ce dernier, se déploie l’énorme Place ducale qui, à l’origine, était complètement entourée d’arcades. L’édifice religieux le plus remarquable est la collégiale de San Pedro, du début du 17ème siècle, qui est relié au Palais Ducal par un passage saillant offrant de belles vues sur le fleuve Arlanza.

Lerma : le Palais Ducal devenu Parador
Lerma : le patio intérieur du Parador

Miguel Castro, le manager du Parador de Lerma (ci-contre), nous accueille dans ce légendaire hôtel des ducs de Lerma. « Nous possédons 70 chambres et 2 restos dit-il et c’est un hôtel depuis 16 ans. Les 4 tours abritent aussi des chambres ! ». L’hôtel dispose d’un patio central entouré de belles galeries de colonnades. 

Devant la façade principale du palais, la Plaza Mayor est une superbe esplanade. Le quartier médiéval , avec ses jolies maisons, son arche et son pont de la prison, le couvent de San Blas ou celui de Saint-Domingue, le Passage du Duc ou l’ex-collégiale de San Pedro sont des joyaux à ne pas rater.

Lerma accueille, jusqu’en novembre, la nouvelle exposition « Angeli » (24ème édition) proposée par l’association « Las Edades del Hombre ». Le thème est : La figure des anges, leur silhouette et leur transcendance dans la tradition chrétienne. L’exposition est divisée en cinq chapitres réunis en trois sites : l’Ermitage de la Piété, l’église de San Pedro et le monastère de l’Ascension. Les anges sont des êtres divins qui font partie de la cour céleste. Des intermédiaires, des gardiens individuels d’hommes et de créatures mais aussi des messagers. Ils constituent une réalité spirituelle qui fait partie du credo catholique. La visite de cette nouvelle exposition est une occasion unique de profiter de l’un des meilleurs exemples de l’art religieux en Espagne.

Burgos et le Chemin de Compostelle

La Province de Burgos est le berceau de la vieille Castille traversée par les deux fleuves Ebre et Duero. Sa position isolée sur un plateau à près de 900 m d’altitude l’expose souvent aux rigueurs de l’hiver. Centre de passage des pèlerins, c’est aussi la ville du Cid Campeador immortalisé par Corneille.

Burgos est une ville-musée avec sa grande cathédrale gothique (13ème et 16ème siècle) où repose la dépouille de Rodrigo Diaz de Vivar plus connu sous le nom du Cid. Sur la porte Santa Maria il est représenté avec barbe… Commencée en1221, sa construction prendra plus de trois siècles.

Troisième cathédrale d’Espagne par ses dimensions (84 m de long et 60 m de large), après Séville et Tolède elle a été classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 1984. On y trouve un travail de 5 siècles avec une large influence française. Sa restauration a commencé en 1987 et n’est pas achevée. Curiosité : dans la Chapelle de la Présentation, la Vierge donnant le sein à l’enfant : très rare.

La pendule gobe mouche (à droite) : la statut ouvre la bouche aux heures depuis 5 siècles. A Burgos on dit que ce sont les visiteurs qui regardent en haut qui gobent les mouches !

Le Monastère royal de las Huelgas de Burgos est un édifice cistercien fondé en 1187 par le roi Alphonse VIII et sa femme Aliénor Plantagenêt (Fille d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine, soeur de Richard Coeur de Lion… Faut suivre la guide !) parents de Blanche de Castille et grands-parents de Saint-Louis ! Ils reposent tous deux dans l’une des chapelles depuis… 1214 ! Le monastère accueille toujours des moniales (29 aujourd’hui). La décoration est de l’époque Baroque (18ème). Un musée de tissu du Moyen-Age « Telas Medievales » complète la visite. Burgos est une étape sur le « Camino francés » du Pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle à la jonction avec la Ruta de la Lana et la branche ouest de la Ruta de Bayona. 

A quelques mètres de la Plaza Mayor, « En tiempo de Maricastana » est un Restaurant-Brasserie. La castana c’est la châtaigne et ceci signifie autrefois… Donc c’est le temps d’autrefois : Isabel Alvarez et son équipe y interprètent les classiques. A noter en amuse-bouche la glace à l’huile d’olive : Très gustative ! Les spécialités de Burgos  sont l’agneau de lait rôti « Lechazo asado », le pot-pourri, les soupes à l’ail, les lentilles à la mode de Burgos, le hachis de porc et la truite à la mode de Castille, sans oublier ses boudins aux poulpes ou le bacalau…

Le site archéologique Atapurca, l’un des plus importants au monde

Mario, notre guide, est biologiste et Docteur en archéologie. A 33 ans, il a déjà 20 ans de recherche derrière lui ! « Atapurca, à 15 km de Burgos, est le nom de la colline mais aussi du village, dit-il. C’est lors du creusement d’une voie ferrée que les vestiges ont été découverts fortuitement. Ces fouilles, débutées seulement en 1978, remettent en cause les origines de l’homme et son évolution. En 1986, on a trouvé des gravures et les traces du plus ancien établissement humain d’Europe avec la présence de l’Homo antecessor vieux de 800.000 ans ! Depuis 2000, le site est inscrit au Patrimoine de l’Humanité.

Pour compléter ces investigations, la ville de Burgos a inauguré, en 2010, le Musée de l’Evolution Humaine ayant pour mission de vulgariser ces découvertes. L’histoire de l’évolution humaine y est illustrée en dix personnages, avec un réalisme saisissant, par la paléoplasticienne française Elisabeth Daynès. Quoi de plus passionnant que de rencontrer nos ancêtres pour comprendre le présent ?

Oenotourisme castillan à la Botega Buezo

La région recèle dix appellations d’origine contrôlée référencées au niveau mondial : Arlanza, Arribes, Bierzo, Cigales, Ribera del Duero, Rioja, Rueda, Tierra de Leon, Tierra del Vino de Zamora et Toro.

Nous avons rendez-vous avec Veronica à la Botega Buezo  à Mahamud, un vignoble « finca » de 55 ha : « En 1999, le propriétaire, Abel Buezo, a décidé de faire revivre cette terre viticole vieille de 10ème siècle et qui, selon la légende, aurait produit le vin que Christophe Colomb apporta aux Amériques ! 

Nous avons étudié les sols, leur climatologie et avons procédé à la plantation des cépages adaptés à l’environnement : Tempranillo, Merlot, Cabernet-Sauvignon et Petit Verdot. La cave a été inaugurée en 2008 : design sobre et minimaliste, divisé en deux zones, la transformation et le vieillissement. Les vignobles et la cave appartiennent à l‘appellation d’origine contrôlée d’Arlanza » Les fûts sont fabriqués en chêne de France, d’Europe centrale et d’Amérique et leur durée de conservation est de 3 ou 4 ans, selon les variétés qu’ils ont contenues. La vendange (uniquement du vin rouge) se fait à la main en octobre car ici il fait froid ! La cave est de haute technologie automatisée. Les vins restent 12 mois en barrique puis jusqu’à 3 ans en bouteille.

Après la visite et la dégustation, le Restaurant « Buezo » est un lieu où les sensations se multiplient, où chaque détail et service reflète les valeurs et la philosophie de la maison, soulignant l’importance de la qualité de la matière première et des produits de saison. Aux fourneaux, Javier Corral travaille en direct devant les convives dans la belle cuisine vitrée. Site : buezo.com

Penafiel et son château médiéval

Le château de Peñafiel est une forteresse médiévale située sur un éperon rocheux dominant la commune du même nom (province de Valladolid). Identifié dès le 10ème siècle, le château fort, bâti en pierre calcaire, a connu diverses transformations jusqu’au 15ème siècle. Restauré, il est considéré comme l’un des plus beaux exemples d’architecture moyenâgeuse en Castille : sa silhouette faisant penser à celle d’un bateau le désigne souvent comme « el barco de Castilla » tandis que ses dimensions et sa place dans l’histoire du royaume lui ont assuré une certaine renommée.

Sa position, à une soixantaine de kilomètres de Valladolid en faisait, au Moyen Age, une place forte stratégique pour le contrôle de la frontière, notamment aux 9ème et 10ème siècles, époque à laquelle la ligne de démarcation entre royaumes chrétiens et domaines musulmans était particulièrement mouvante…

Le château abrite aussi  le Musée Provincial du Vin. On y apprend que les vignes sont plantées à 90 % de Tempranillo, mais d’autres cépages sont autorisés comme le Malbec, le Cabernet-Sauvignon et le Merlot. L’appellation produit exclusivement des vins rouges comprenant un minimum de 75 % de Tempranillo. D’ailleurs, on dit qu’ici il y a plus de vin que d’eau  ! Sublime panorama au sommet.

Dans le village de Penafiel, la Plaza del Coso d’origine médiévale s’appelle aussi « Corro de los Toros ». Elle a été conçue pour les fêtes taurines. De forme rectangulaire, elle est entourée de 48 édifices aux balcons de bois parés d’arabesques. Ils appartiennent à la municipalité qui les loue au cours des fêtes à tous ceux qui veulent voir les lâchers de taureaux. Les portes aux barreaux de fer permettent à ceux qui osent affronter l’animal, de trouver un refuge !

L’Abbaye de Santa Maria de Valbuena devenue un hôtel 5*

Monastère cistercien du 12ème siècle et l’un des premiers de la région, il reçoit, dès sa fondation de nombreux privilèges.  À la fin des années 1990, l’archevêché cède l’ensemble du domaine à la fondation « Las Edades del Hombre » (traduire : les âges de l’Humanité qui diffuse et promotionne le patrimoine religieux de Castille-et-León).

Une longue restauration et de nouveaux édifices voient s’ériger un hôtel 5* « Monastère Castilla Termal de Valbuena » en 2015 autour des vignes et d’un jardin potager. Les eaux du Spa Valbuena sont issues du captage d’une source d’eaux minéro-médicinales à 386 m de profondeur. Déjà au 12ème siècle, les moines cisterciens en profitaient pour arroser les vignobles qui font partie de l’AOC Ribera del Duero. A Castilla Termal Winerie « Los Monjes » outre une cuisine inventive aux produits du jardin, on dégustera les meilleurs vins de la région tels que le Palacio de Bornos, le Prado Rey, le Pruno ou l’Emina. Un sublime endroit pour se ressourcer ! Site : https://www.castillatermal.com

Valladolid et sa controverse…

Au centre du plateau du Meseta, Valladolid fut le théâtre de la fameuse « Controverse de Valladolid » en 1550  portant sur le statut des Indiens d’Amérique après la conquête coloniale : les gens du Nouveau Monde ont-ils une âme ? Appartiennent-ils à l’Humanité ? Quel traitement leur accorder… La question, posée à la demande de Charles Quint opposa le dominicain Las Casas (défenseur des Indiens) et le théologien Sepluveda (leur détracteur). Un excellent film réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe « La controverse de Valladolid » réunit en 1992, Jean-Pierre Marielle, Jean-Louis Trintignant Jean Carmet.

Valladolid, c’est la Plaza Mayor, la Plaza San Pablo et des musées et théâtres (Musée national de la sculpture, Musée de l’art contemporain, Théâtre Calderón…)… Mais c’est aussi la ville où vécut Cervantès, le fameux auteur de Don Quichotte entre 1603 et 1606. On peut y visiter sa maison.

Valladolid dispose d’un très bel auditorium où nous avons pu apprécier, pour finir le séjour, une représentation du Concert Castilla y Leon Symphonic Orchestra sous la direction de Andrew Gourlay, jeune chef d’orchestre britannique (né en 1982) et directeur musical de l’orchestre symphonique de Castille et León depuis 2014. Notre court séjour, certes bien illustré par toutes ces belles découvertes, laisse une frustration concernant des tas d’endroits… Nous reviendrons !


*** Merci à Mercedes, notre guide, pour sa gentillesse et son professionnalisme et merci aussi à Miren & Lizzaralde de l’Office Espagnol du Tourisme à Paris pour l’organisation de ce reportage. Site : spain.info


Reportage Texte & Photos Dany Antonetti


Santo Domingo